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Architecture externe du Processeur MIPS32

— Version 3.0
— Septembre 2020
— Alain Greiner (auteur initial)
— Module AS5 Archi L3 S5




A) INTRODUCTION

Ce document présente une version simplifiée de l'architecture externe du processeur MIPS32. Pour des raisons de simplicité, tous les mécanismes matériels de gestion de la mémoire virtuelle ont été délibérément supprimés.

L'architecture externe représente ce que doit connaître un utilisateur souhaitant programmer en assembleur, ou souhaitant écrire un compilateur. Elle définit:

  • Les registres visibles du logiciel ;
  • L'adressage de la mémoire ;
  • Le jeu d'instructions ;
  • Les mécanismes de traitement des interruptions, des exceptions et appels système.

Le processeur MIPS32 est un processeur 32 bits conçu dans les années 1980. Son jeu d'instructions est de type RISC (Reduced Instruction Set Computer). Il existe de nombreuses réalisations industrielles de cette architecture (SIEMENS, NEC, LSI LOGIC, SILICON GRAPHICS, MICROCHIP, etc.).

Cette architecture est suffisamment simple pour présenter les principes de base de l'architecture des processeurs, et suffisamment puissante pour supporter un système d'exploitation multitâches tel qu'UNIX, puisqu’il supporte deux modes de fonctionnement utilisateur (user) et système (kernel).

  • Dans le mode user, certaines régions de la mémoire et certains registres du processeur sont protégés et donc inaccessibles.
  • Dans le mode kernel, toutes les ressources sont accessibles, c'est-à-dire toute la mémoire et tous les registres.

L'architecture interne n'est pas présentée dans ce module. Elle dépend des choix de réalisation matérielle. Plusieurs implémentations matérielles ont été réalisées à Sorbonne Université dans un but d'enseignement et de recherche : une version microprogrammée, simple mais peu performante (1 instruction s'exécute en 4 cycles d'horloge), une version pipeline plus performante (1 instruction par cycle) mais plus complexe et une version superscalaire, encore plus performante (2 instructions par cycle) mais beaucoup plus complexe.

La spécification du langage d'assemblage, les conventions d’utilisation des registres, ainsi que les conventions d’utilisation de la pile font l'objet d'un document séparé.



B) REGISTRES VISIBLES DU LOGICIEL

Tous les registres visibles du logiciel, c'est-à-dire ceux dont la valeur peut être lue ou modifiée par les instructions, sont des registres 32 bits. Il y a deux catégories de registres, protégés et non protégés, dont l'accès dépend du mode d'exécution du processeur. En mode user, seuls les registres non protégés sont accessibles. En mode kernel, tous les registres sont accessibles.


1) Registres non protégés

Le processeur possède 35 registres utilisables par les instructions standards (c'est-à-dire les instructions qui peuvent s'exécuter aussi bien en mode user qu'en mode kernel).

Les registres GPR $0 à $31
Il y a 32 registres généraux (GPR signifie General Purpose Register)
Ces registres sont directement utilisés par les instructions et permettent de stocker des résultats de calculs intermédiaires.

Le registre $0 est particulier:
— la lecture fournit la valeur constante 0x00000000
— l’écriture ne modifie pas son contenu.

Le registre $31 est utilisé par les instructions d'appel de fonctions pour sauvegarder l'adresse de retour.
— Les instructions d'appel de fonctions sont : bgezal, bltzal, jalet jalr
Le registre PC
C'est le Program Counter ou compteur ordinal en français.
Ce registre contient l'adresse de l'instruction en cours d'exécution. Sa valeur est modifiée par toutes les instructions.
Les registres HI et LO
Ces sont les registres de la multiplication entière et de la division Euclidienne.
Ces deux registres 32 bits sont utilisés pour stocker le résultat d'une multiplication ou d'une division.
La multiplication de deux nombre de 32 bits est un mot de 64 bits (poids forts dans HI et poids faibles dans LO).
La division Euclidienne de deux nombres 32 bits produit un quotient sur 32 bits dans LO et un reste sur 32 bits dans HI.

2) Registres protégés

L'architecture du MIPS32 définit 32 registres protégés (numérotés de $0 à $31). Ces registres protégés ne sont accessibles, en lecture comme en écriture, que par les instructions privilégiées mtc0 et mfc0 ne pouvant être exécutées qu'en mode kernel. mtc0 et mfc0 signifient respectivement Move-To-Coprocessor-0 et Move-From-Coprocessor-0. En effet, ces registres appartiennent au "coprocesseur système" n°0 (appélé aussi c0 pour Coprocessor 0). En pratique, cette version du processeur MIPS32 en définit 6. Ils sont utilisés par le système d’exploitation pour la gestion des interruptions, des exceptions et des appels système (voir chapitre E).

Le registre c0_sr
Le registre sr de c0 est le registre d'état (Status Register). Il contient en particulier le bit qui définit le mode : user ou kernel, ainsi que les bits de masquage des interruptions.
Ce registre a le numéro $12.
Le registre c0_cause
Le registre cause de c0 est le registre de cause (Cause Register). En cas d'interruption, d'exception ou d'appel système, le code en cours d'exécution par le processeur est dérouté vers le noyau du système d'exploitation. Le contenu de c0_cause définit la cause d'appel du noyau.
Ce registre a le numéro $13.
Le registre c0_epc
Le registre epc de `c0 est le registre d'exception (Exception Program Counter). Il contient soit l'adresse de retour (PC + 4) en cas d'interruption, soit l'adresse de l'instruction courante (pc) en cas d'exception ou d'appel système.
Ce registre a le numéro $14.
Le registre c0_bar
Le registre bar de c0 est legistre d'adresse illégale (Bad Address Register). En cas d'exception de type "adresse illégale", il contient la valeur de l'adresse mal formée.
Ce registre a le numéro $8.
Le registre c0_procid
Le registre procid est le registre en lecture seulement contenant le numéro du processeur. Cet index « cablé » est utilisé par le noyau du système d’exploitation pour gérer des architectures multiprocesseurs.
Ce registre possède le numéro $15.
Le registre c0_count
Le registre count de c0 est le registre en lecture seulement contenant le nombre de cycles exécutés depuis l’initialisation du processeur.
Ce registre possède le numéro $16.
Comportement des instructions mtc0et mfc0
instruction assembleur comportement dans le processeur Remarques
mtc0 $gpr, $c0 Copro. 0 ($C0) <--- Reg. GPR ($gpr) $c0 = $8, $12, $13, $14, $15 ou $16 ; $gpr = $0 .. $31
mfc0 $gpr, $c0 Reg. GPR ($gpr) <--- Copro. 0 ($C0) $c0 = $8, $12, $13, $14, $15 ou $16 ; $gpr = $0 .. $31



C) ADRESSAGE DE LA MÉMOIRE

1) Espace d'adressage : adressage par octet

L'ensemble des adresses que peut former le processeur définit son espace d'adressage. Toutes les adresses formées sont des adresses d'octets, ce qui signifie que la mémoire est vue par le processeur comme un tableau d'octets qui contient aussi bien les données que les instructions.

Les adresses sont codées sur 32 bits. Les instructions sont codées sur 32 bits. Les échanges de données avec la mémoire se font par mot de 32 bis (4 octets consécutifs), ou par demi-mot 16 bits (2 octets consécutifs) ou par octet (8 bits). Pour les transferts de mots et de demi-mots, le processeur respecte la convention "little endian" (l'octet de poids faible est à l'adresse à plus petite).

L'adresse d'un mot (4 octets) de donnée ou d'instruction doit être multiple de 4. L'adresse d'un demi-mot doit être multiple de 2, on dit que les adresses doivent être "alignées". Le processeur part en exception si une instruction calcule une adresse qui ne respecte pas cette contrainte. Plus généralement, une donnée est alignée en mémoire, si l'adresse de son premier octet (à l'adresse la plus petite) est un multiple de sa taille.

2) Calcul d'adresse

Le mode d'adressage définit la manière dont le processeur calcule les adresses de la mémoire pour y accéder en lecture ou en écriture. Il n'existe qu'un seul et unique mode d’adressage pour le MIPS32. Il consiste à effectuer la somme entre le contenu d'un registre général (GPR) $i, défini dans l'instruction, et d'un déplacement qui est une valeur immédiate signée, sur 16 bits (de -32768 à +32767), contenue également dans l'instruction:

adresse = Ri + Déplacement 

3) Protection mémoire

L’espace d'adressage de la mémoire est découpé en 2 parties identifiés par le bit de poids fort de l’adresse :

bit n°31 de l'adresse = 0	==>	partie utilisateur
bit n°0 de l'adresse  = 1	==>	partie système

Quand le processeur est en mode système alors les 2 parties (utilisateur et système) sont accessibles. Quand le processeur est en mode utilisateur alors seule la partie utilisateur est accessible.

Quand le processeur est en mode utilisateur, si une instruction essaie d'accéder à la mémoire avec une adresse de la partie système alors le processeur part en exception, c'est-à-dire que le programme est dérouté vers le noyau du système d'exploitation (voir section E)

Si une anomalie est détectée au cours du transfert entre le processeur et la mémoire, alors le système mémoire le signale ce qui déclenche également un départ en exception.



D) JEU D'INSTRUCTIONS

1) Généralités et format des instructions

Le processeur possède 57 instructions qui se répartissent en 4 classes :

  • 33 instructions arithmétiques/logiques entre registres
  • 12 instructions de branchement
  • 7 instructions de lecture/écriture mémoire
  • 5 instructions système

Toutes les instructions ont une longueur de 32 bits et possèdent l'un des trois formats suivants R, I ou J:

Format R
Le format R est utilisé par les instructions ayant 2 registres sources (désignés par RS et RT) et un registre résultat désigné par RD.
La forme générale est OPCOD RD, RS, RT dont le comportement est RD <- RS OPCOD RT.
Par exemple sub $4,$8,$16 réalise $4 <- $8 - $16.
Codage:
OPCOD RS RT RD SH FUNC
31 25 20 15 10 5 0
Format I
Le format I est utilisé (i) par les instructions de lecture/écriture mémoire, (ii) par les instructions utilisant un opérande immédiat, (iii) ainsi que par les branchements courte distance (conditionnels).
La forme générale est OPCOD RT, RS, IMD16 dont le comportement est RT <- RS OPCOD IMM16.
Par exemple addi $4,$8,-42 réalise $4 <- $8 - 42 ou lb $4,42($8) réalise $4 <- MEM[$8 + 42]
Codage:
OPCOD RS RT IMD16
31 25 20 15 0
Format J
Le format J n’est utilisé que pour les branchements inconditionnels longue distance La forme générale est OPCOD IMD26 dont le comportement est PC <- PC+IMD26.
Par exemple j 0x40 réalise PC <- PC + 0x40 (notez que l'argument de l'instruction est presque toujours une étiquette du programme et que c'est le programme d'assemblage qui calcule la valeur IMD26).
Codage:
OPCOD IMD26
31 25 0

2) Codage des instructions

Le codage des instructions est principalement défini par les 6 bits du champ code opération (appelé OPCOD) de l'instruction (INS 31:26). Cependant, trois valeurs particulières de ce champ définissent en fait une famille d'instructions : il faut alors analyser d'autres bits de l'instruction pour décoder l'instruction. Ces codes particuliers sont : SPECIAL (valeur "000000"), BCOND (valeur "000001") et COPRO (valeur "010000")


  • codage du champ OPCOD:
    INS 28:26
    INS 31:29 000 001 010 011 100 101 110 111
    000 SPECIAL BCOND J JAL BEA BNE BLEZ BGTZ
    001 ADDI ADDIU SLTI SLTIU ANDI ORI XORI LUI
    010 COPRO
    011
    100 LB LH LW LBU LHU
    101 SB SH SW
    110
    111

    Par exemple, ce tableau indique que l'instruction LHU a un OPCOD à "100101".

  • Lorsque l'OPCODE a la valeur SPECIAL ("000000"), il faut analyser les 6 bits de poids faible de l'instruction (INS 5:0):
INS 2:0
INS 5:3 000 001 010 011 100 101 110 111
000 SLL SRL SRA SLLV SRLV SRAV
001 JR JALR SYSCALL BREAK
010 MFHI MTHI MFLO MTLO
011 MULT MULTU DIV DIVU
100 ADD ADDU SUB SUBU AND OR XOR NOR
101 STL SLTU
110
111

Par exemple, l'instruction MTLO a un OPCOD à "000000" et le champ FUNC est à "010011".

  • Lorsque l'OPCOD a la valeur BCOND, il faut analyser les bits 20 et 16 de l'instruction.
                INS 16
INS 20 0 1
0 BLTZ BGEZ
1 BLTZAL BGEZAL

Par exemple, l'instruction BTLZAL a un OPCOD à "000001",
le bit IN20 est à "1" et le bit INS16 est à "0".

  • Lorsque l'OPCOD a la valeur COPRO, il faut analyser les bits 25 et 23 de l'instruction. Les trois instructions de cette famille COPRO sont des instructions privilégiées. Remarquez que ERET à deux codages.
                INS 16
INS 20 0 1
0 MFC0 MTC0
1 ERET ERET

Par exemple, l'instruction MTC0 a un OPCOD à "010000",
le bit IN20 est à "0" et le bit INS16 est à "0".

3) Jeu d'instructions

Le jeu d'instructions est "orienté registres". Cela signifie que les instructions arithmétiques et logiques prennent leurs opérandes dans des registres et rangent leur résultat dans un registre. Les seules instructions permettant de lire ou d'écrire des données en mémoire effectuent un simple transfert entre un registre général et la mémoire, sans aucun traitement arithmétique ou logique.

La plupart des instructions arithmétiques et logiques se présentent sous les 2 formes registre-registre et registre-immédiat:

instruction assembleur comportement dans le processeur format d'instruction
add rd, rs, rt R(rd) <--- R(rs) op R(rt) format R
addi rd, rs, imm R(rd) <--- R(rs) op IMD16 format I

L’opérande immédiat 16 bits est signé pour les opérations arithmétiques et non signé pour les opérations logiques.

Le déplacement est de 16 bits pour les instructions de branchement conditionnelles (Bxxx) et de 26 bits pour les instructions de saut inconditionnelles (Jxxx). De plus les instructions JAL, JALR, BGEZAL, et BLTZAL sauvegardent une adresse de retour dans le registre $31. Ces instructions sont utilisées pour les appels de sous-programme.

Toutes les instructions de branchement conditionnel sont relatives au PC (compteur ordinal) pour que le code soit translatable (déplaçable ailleur en mémoire), c'est-à-dire que l'adresse de branchement est le résultat de l'addition entre la valeur du compteur ordinal et un déplacement signé.

Les instructions mtc0 (move to c0) et mfc0 (move from c0) permettent de transférer le contenu des registres c0_sr, c0_cause, c0_epc etc. vers un registre général GPR et inversement. Ces 2 instructions ne peuvent être exécutées qu’en mode système, de même que l'instruction eret qui permet de restaurer l'état antérieur du registre d'état c0_sr avant de sortir du gestionnaire d'exceptions.


E) EXCEPTIONS / INTERRUPTIONS / APPELS SYSTÈME

Il existe quatre types d'évènements qui peuvent interrompre l'exécution "normale" d'un programme:

  • les exceptions ;
  • les interruptions ;
  • les appels système (instructions syscall et break)
  • le signal RESET.

Dans tous ces cas, le principe général consiste à dérouter le programme vers un code spécial (appelée noyau du système d'exploitation) qui s'exécute en mode système et à qui il faut transmettre les informations minimales lui permettant de traiter le problème.

1) Exceptions

Les exceptions sont des évènements "anormaux" détectés au moment de l'exécution des instructions. Ils sont le plus souvent liés à une erreur de programmation qui empêche l'exécution correcte de l'instruction en cours. La détection d'une exception entraîne l'arrêt immédiat de l'exécution de l'instruction fautive. Ainsi, on assure que l'instruction fautive ne modifie pas la valeur d'un registre visible ou de la mémoire. Les exceptions ne sont évidemment pas masquables, cela signifie que l'on ne peut pas interdire leur gestion. Il y a 7 types d'exception dans cette version du processeur MIPS32 :

ADEL
Adresse illégale en lecture : adresse non alignée ou se trouvant dans la partie système alors que le processeur est en mode utilisateur.
ADES
Adresse illégale en écriture : adresse non alignée ou accès à une donnée dans le partie système alors que le processeur est en mode utilisateur.
DBE
Data bus erreur : le système mémoire signale une erreur en activant le signal BERR à la suite d'un accès de donnée à une adresse qui n'a pas de case mémoire associée. On dit qu'elle n'est pas mappée. Cette erreur est aussi nommée erreur de segmentation ('segmentation fault` en anglais).
IBE
Instruction bus erreur : le système mémoire signale une erreur en activant le signal BERR à l'occasion d'une lecture instruction. C'est le même problème que pour DBE mais cela concerne les instructions.
OVF
Dépassement de capacité : lors de l'exécution d'une instruction arithmétique (ADD ou ADDI), le résultat ne peut être représenté sur 32 bits. Par exemple, la somme de 2 nombres positifs donne un nombre négatif.
RI
OPCOD illégal : l'OPCOD ne correspond à aucune instruction connue, il s'agit probablement d'un branchement dans une zone mémoire ne contenant pas du code exécutable.
CPU
Coprocesseur inaccessible : tentative d'exécution d'une instruction privilégiée (mtc0, mfc0, eret) alors que le processeur est en mode utilisateur.

Dans tous les cas, le processeur doit passer en mode système et se brancher au noyau du système d'exploitation implanté à l'adresse 0x80000180. Après avoir identifié que la cause est une exception (en examinant le contenu du registre c0_cause), le noyau se branche alors au gestionnaire d’exception. Ici, toutes les exceptions sont fatales, il n'y a pas de reprise de l'exécution de l'application contenant l'instruction fautive. Le processeur doit cependant transmettre au gestionnaire d'exceptions l'adresse de l'instruction fautive et indiquer dans le registre de cause le type d'exception détectée. Lorsqu’il détecte une exception, le matériel doit donc:

  • sauvegarder PC (l'adresse de l'instruction fautive) dans le registre c0_epc ;
  • passer en mode système et masquer les interruptions dans c0_sr ;
  • sauvegarder éventuellement l’adresse fautive dans c0_bar;
  • écrire le type de l'exception dans le registre c0_cause;
  • brancher à l'adresse 0x80000180.

2) Interruptions

Les requêtes d'interruption matérielles sont des évènements asynchrones provenant des contrôleurs de périphériques. Elles peuvent être masquées (ignorées) par le processeur. Le processeur MIPS32 possède 6 lignes d'interruptions externes qui peuvent être masquées globalement ou individuellement. L'activation d'une de ces lignes est une requête d'interruption. Elles sont notifiées dans le registre c0_cause et, si elles ne sont pas masquées, elles sont prises en compte à la fin de l'exécution de l'instruction en cours. Cette requête doit être maintenue active par le contrôleur de périphérique tant qu'elle n'a pas été prise en compte par le processeur.

Le processeur doit alors passer alors en mode système et se brancher au noyau du système d'exploitation. Après avoir identifié que la cause est une interruption (en examinant le contenu du registre c0_cause), le noyau se branche au gestionnaire d’interruption qui doit appeler une fonction appropriée pour le traitement de la requête. Cette fonction est appelée routine d’interruption ou ISR (pour Interrupt Service Routine). Comme il faut reprendre l'exécution de l'application en cours à la fin du traitement de l'interruption, il faut sauvegarder une adresse de retour. Lorsqu’il reçoit une requête d’interruption non masquée, le matériel doit donc :

  • sauvegarder PC+4 (l'adresse de retour) dans le registre c0_epc ;
  • passer en mode système et masquer les interruptions dans c0_sr ;
  • écrire qu'il s'agit d'une interruption dans le registre c0_cause ;
  • brancher à l'adresse 0x80000180program.

En plus des 6 lignes d'interruption matérielles, le processeur MIPS32 possède un mécanisme d'interruption logicielle: Il existe 2 bits dans le registre de cause c0_cause qui peuvent être écrits par le logiciel au moyen de l'instruction privilégiée mtc0. La mise à 1 de ces bits déclenche le même traitement que les requêtes d'interruptions externes, s'ils ne sont pas masqués.

3) Appels système: instructions syscall et break

L'instruction syscall permet à une application de l'utilisateur de demander un service au noyau du système d'exploitation, comme par exemple effectuer une entrée-sortie. Le code définissant le type de service demandé au système, et d'éventuels paramètres doivent avoir été préalablement rangés dans des registres généraux. L'instruction break est utilisée plus spécifiquement pour poser un point d'arrêt (dans un but de debuggage du logiciel): on remplace brutalement une instruction du programme à debugger par l'instruction break. Dans les deux cas, le processeur passe en mode système et se branche ici encore au noyau. Après avoir identifié que la cause est un appel système (en examinant le contenu du registre c0_cause), le noyau se branche au gestionnaire d’appels système. Lorsqu’il rencontre une des deux instructions syscall ou break, le matériel effectue les opérations suivantes :

  • sauvegarder PC (l'adresse de l'instruction) dans le registre c0_epc (l’adresse de retour est PC + 4) ;
  • passer en mode système et masquage des interruptions dans c0_sr ;
  • écrire la cause du déroutement dans le registre c0_cause ;
  • brancher à l'adresse 0x80000180.

4) Signal RESET

Le processeur possède également une entrée RESET dont l'activation pendant au moins un cycle entraîne le branchement inconditionnel du code de démarrage de l'ordinateur (code de boot). Ce code, implanté à l’adresse 0xBFC00000 doit principalement charger le code du noyau du système d’exploitation dans la mémoire depuis le disque ou le réseau et se brancher à la fonction d'initialisation du noyau. Cette fonction initialise les contrôleurs de périphériques et les structures internes du noyau et, à la fin elle se branche à la première application utilisateur. Dans notre modèle d'ordinateur, le noyau est pré-chargé en mémoire et le code de boot se contente d'appeler la fonction d'initialisation.

Cette requête est très semblable à une septième ligne d'interruption externe avec les différences importantes suivantes:

  • elle n'est pas masquable :
  • il n'est pas nécessaire de sauvegarder une adresse de retour.
  • le gestionnaire de reset est implanté à l'adresse "0xBFC00000".

Dans ce cas, le processeur doit :

  • passer en mode système et masque les interruptions dans SR
  • brancher à l'adresse "0xBFC00000"

5) Sortie du noyau

Avant de reprendre l'exécution de l'application qui a effectué un appel système (instructions syscall) ou qui a été interrompu par une interruption, il est nécessaire d'exécuter l'instruction eret. Cette instruction modifie le contenu du registre c0_sr, et effectue un branchement à l’adresse contenue dans le registre c0_epc.

6) Gestion du registre d'état c0_sr

Le registre c0_sr contient l'état du processeur. Cela concerne son comportement vis-à-vis des requêtes d'interruptions, c'est-à-dire les masques des interruptions matérielles et logicielles, et le mode d'exécution, mode système (kernel) ou en mode utilisateur (user).

  • La figure suivante présente le contenu des 16 bits de poids faible du registre c0_sr. Cette version du MIPS32 n’utilise que 12 bits:

    IM[7:0] 0 0 0 UM 0 ERL EXL IE
     15 8   7 6 5 4 3 2 1 0
IE Interrupt Enable 0 = toutes les interruptions sont masquées
1 = interruptions non-masquées mais elles peuvent l'être avec IM[7:0]
EXL Exception Level 0 = aucun effet sur le processeur
1 = le processeur vient d'entrer dans le noyau
et donc le processeur est en mode kernel et interruptions massquées
ERL Error Level 1 = après le signal reset ou certaines erreurs de la mémoire
UM User Mode 0 = mode d'exécution kernel
1 = mode d'exécution user
IM![7:0]Masques individuels pour les six lignes d’interruption matérielles (bits IM[7:2])
et pour les 2 interruptions logicielles (bits IM[1:0])


  • Quelques remarques :
    • Le processeur a le droit d’accéder aux ressources protégées (registres du coprocessor 0 c0), et aux adresses mémoires >= 0x80000000) si et seulement si le bit UM vaut 0, ou si l’un des deux bits ERL et EXL vaut 1.
    • Les interruptions sont autorisées si et seulement si le bit IE vaut 1, et si les deux bits ERL et EXL valent 00, et si le bit correspondant de IM vaut 1.
    • Les trois types d’événements qui déclenchent le branchement au noyau: (interruptions, exceptions et appels système) forcent le bit EXL à 1, ce qui masque les interruptions et autorise l’accès aux ressources protégées.
    • L’activation du signal RESET qui force le branchement au code de boot force le bit ERL à 1, ce qui masque les interruptions et autorise l’accès aux ressources protégées.
    • L’instruction eret force le bit EXL à 0.
  • Lors de l’activation du RESET :
    • c0_sr contient donc la valeur 0x0004 (0b0000000000000100).
    • Pour exécuter un programme utilisateur en mode protégé, avec interruptions activées, il doit contenir la valeur 0xFF11.
    • Le noyau doit écrire la valeur 0xFF13 dans c0_sr et l’adresse de la première fonction du programme utilisateur dans c0_epc avant d’appeler l’instruction eret.

7) Gestion du registre de cause c0_cause

Le registre c0_cause contient trois champs. Les 4 bits du champ XCODE[3:0] définissent la cause de l'appel du noyau. Les 6 bits du champ IRQ[5:0] représentent l'état des lignes d'interruption externes au moment de l'appel su noyau. Les 2 bits SWI[1:0] représentent les requêtes d'interruption logicielle.

  • La figure suivante montre le format du registre de cause CR :

    IRQ[5:0] SWI[1:0] 0 0 XCODE[3:0] 0 0
     15 10   9 8 7 6 5 4 3 2 1 0
  • Les valeurs possibles du champ XCODE sont les suivantes :
0000 INT Interruption
0001 Inutilisé
0010 Inutilisé
0011 Inutilisé
0100 ADEL Adresse illégale en lecture
0101 ADES Adresse illégale en écriture
0110 IBE Bus erreur sur accès instruction
0111 DBE Bus erreur sur accès donnée
1000 SYS Appel système (syscall)
1001 BP Point d'arrêt (break)
1010 RI OPCOD illégal
1011 CPU Coprocesseur inaccessible
1100 OVF Overflow arithmétique
1101 Inutilisé
1110 Inutilisé
1111 Inutilisé